Interview - "Le Cameroun correspond à la république du Gondwana" Tweet

C’est un artiste engagé pour le développement que VRJMUSIC a rencontré dans un des jardins publics de la ville de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun. Il aborde sur la place publique le contenu de son album "UN MILLION DE PROBLÈMES" sorti en 2014 en attendant "LE CAMEROUN D’ABORD" courant premier semestre 2016.

À écouter l’album « Un million de problèmes », on a l’impression que tu es allé au-delà de la musique pour parler de l’ensemble de la société camerounaise notamment ses travers…
C’est une fausse impression. Le Rap engagé c’est ce Rap qui critique alors que moi je suis armé d’un esprit critique et non d’un esprit de critique. Si une telle posture veut dire que je suis engagé cela est très restrictif pour ma part je pense que je suis modestement un artiste de développement.

Parlons un peu concrètement de cet album. Tu as porté ton regard sur l’arène politique au Cameroun …
Effectivement dans mon album j’aborde toutes les thématiques. La politique je reprends la république du Gondwana bien célèbre sur les antennes de RFI. Je pense que cette chronique quotidienne est ce qu’on vit au Cameroun. Tous les maux que décrie le chroniqueur sont réels. Trente ans de règne c’est ce que notre pays connait depuis. Mais je tiens à souligner que la longévité ne suffit pas pour juger un président. Il faut aussi porter un regard sur les réalisations concrètes.

Parlant de ces réalisations tu mets aussi sur la table la question d’Awara, le code de la police municipale à Yaoundé…
C’est pour interpeller sur les écarts dans notre vie quotidienne. Lorsqu’on arrache les marchandises des mamans et des jeunes dans les marchés et les rues du pays qu’on sache que c’est un danger. C’est vrai que cet entretien se déroule dans un espace aménagé par le délégué du gouvernement à la communauté urbaine de Yaoundé mais il ne faut pas exagérer dans un pays où le gagne-pain se fait de plus en plus rare. Dans ce titre je tire la sonnette d’alarmes sur le niveau de ces exactions. Où vont les marchandises confisquées ?

Est-ce que dénoncer veut aussi dire que tu interdis aux jeunes de rêver ?
C’est mal comprendre le titre "Ne rêves pas". Je présente simplement la réalité de notre pays. Aucun film d’horreur n’est plus horrible que la réalité. Je présente le mal de la société camerounaise qui n’a plus d’éléments de rêve. Si on veut vivre honnête dans notre pays il ne faut pas rêver. La corruption est prégnante dans tous les plans de notre société. Je dénonce cela et que les jeunes se mettent au travail. Qu’ils doublent d’ardeur au quotidien s’ils veulent se faire une place au soleil.

C’est ce diagnostic qui t’amène à rendre hommages aux chantres du panafricanisme ?
L’Afrique a quelque chose d’humaniste par le panafricaniste. C’est par l’amour de notre continent qu’on peut aspirer au développement que j’appelle de mes vœux. Il faut qu’on évite l’extraversion dans l’ensemble des domaines. Il faut un amour extrême et exalté pour notre pays. Les grandes figures comme Nelson Mandela par son combat sont des figures qui peuvent inspirer la jeunesse aujourd’hui. Il faut glorifier ces figures dans notre pays. Notre approche c’est tirer sur ce qui ne va pas et glorifier ceux qui se démarquent par leurs actes et réalisations sur le continent. Au niveau national le panafricanisme commence par le patriotisme. C’est d’ailleurs le sens de mon prochain album baptisé « Le Cameroun d’abord… »

Tu parles de glorifications quelle est la place de Dieu dans ta vie ?
Dieu occupe toute sa place on ne nous facture pas le souffle de vie. Un artiste demandait à la vie de nous dire combien elle coûte mais on se rend compte que seul Dieu garde ce mystère. S’il y a une horloge c’est qu’il y a un horloger. Si les gens disent que Dieu n’existe pas, moi je fais le pari de Pascal sur cette question et j’adopte les lois de Dieu pour mieux vivre.

Et lorsque tu vois d’autres jeunes près des frontières Cameroun – Nigéria - Tchad causer les morts en se donnant la mort au nom d’une prétendue croyance en un dieu…
C’est de l’horreur lorsqu’on observe les mouvements religieux au Cameroun. De plus en plus quand tu regardes le phénomène religieux dans nos pays tu as envie de vomir. Boko Haram est une marque de l’imbécilité humaine. Boko Haram n’a rien à voir avec la religion. Il s’agit d’une secte criminelle. Que les autorités et les populations prennent toutes les mesures pour éviter des extrémismes de toutes sortes.

Est-ce que le comportement des humains justifie aussi que tu évites de te mélanger avec les autres. Tu as un titre intitulé « ne nous mélanges pas » …
L’artiste a un rôle dans la société. Socrate disait que si tu veux comprendre un peuple écoute sa musique. Cet adage nous oblige à faire attention. Une société ne peut pas exceller sans modèles. Dans notre pays on les cherche sans les trouver. Ce qui fait de nous un peuple de dévergondé. Il faut donc que les artistes évitent de nuire à la santé morale de la société. Faisons une musique qu’un parent peut écouter devant un enfant de 5 ans sans craintes. C’est tout le contraire aujourd’hui avec le niveau d’obscénités dans les albums qui inondent les chaînes urbaines et internationales. Ce n’est pas la musique camerounaise !

Dans ce contexte, quelle relation avec les autres artistes ?
Ma relation avec les autres artistes est cordiale je n’ai aucun soucis avec les différentes strates du hip hop. Je collabore dans les projets qui portent et qui s’imbriquent à ma philosophie.

Que réponds-tu à cet internaute qui pense qu’artistiquement tu es un clone de Valséro, le général ?
Je ne suis pas le clone de Valséro. C’est un grand frère qui a pris le courage de dire à l’avance ce que nous on pensait tout bas. En 2007 j’étais déjà dans le même label que lui. Nous appartenons au même label c’est d’ailleurs l’une des raisons du featuring dans son album « La riposte du général » comme dans le mien « Le langage des armes ». Il a une idéologique artistique que je partage.

Et sur le plan politique on sait qu’il est aujourd’hui militant dans le parti Croire Au Cameroun (CRAC). Feras-tu aussi « crac » dans les prochains jours ?
J’ai pour ambition de demeurer artiste. Sur le plan politique Valséro a certainement une justification de son entrée en politique. Sans doute il veut concrétiser lui-même ce qu’il pense et dénonce chaque jour.

Après un travail de qualité comme le font beaucoup d’autres artistiques comment vivez-vous la situation dans le monde des droits d’auteurs ?
C’est à l’image du Cameroun. Il est inconcevable de voire un ministre et un Premier ministre semer la discorde au sein des artistes. C’est à peine que j’ai légalisé mes œuvres à cause de cet imbroglio. Pour ma part, je pense que l’absence de salle de spectacle au Cameroun montre que le Show Biz chez nous est encore au stade embryonnaire. On n’a pas réussi à s’adapter. On consomme uniquement ce qui vient de l’extérieur. C’est dommage. Ce que les artistes gagnent c’est uniquement la reconnaissance dans les milieux artistiques. Le reste c’est le réseautage dans les chaines de radio et télé. Même si tu chantes comme le ciel et puis quoi ? Comme le dit mon frère Jovi. Et pourtant nous avons une bonne représentativité du Hip Hop avec Stanley ; Krotal ; Valséro et les autres aînés qui réussissent à vendre le rap du Kamer. Nous vivons sans moyens et l’autoproduction reste donc la seule issue pour nous. Il faut qu’on reste camerounais dans notre diversité. Que ceux qui peuvent rapper en langue locale le font mais ceux qui peuvent utiliser le français et l’anglais le fassent en restant Vert-Rouge-Jaune. Eviter que nos albums restent des slogans ou du copier-coller.

Entretien avec Pierre Le Grand

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